Chères et chers Membres et Amis,
Le monde est en feu. Il y aurait tellement à dire sur les dislocations violentes qui tuent et font souffrir tant de peuples ; ce sont des sujets de grave préoccupation pour tout un chacun et qui lancinent au sein de notre mouvement aussi, bien sûr. Cependant, nous avons pris et gardons le parti de concentrer ces Brèves sur le travail accompli par Vivere et ses partenaires, travail permis par votre soutien, en évitant des commentaires d’ordre général sur les situations où nous n’agissons pas. Ces bulletins sont voués à vous rendre compte sur des actions concrètes, pas à être une gazette d’opinions.
1° Ukraine
Assistance aux réfugiés Ukrainiens
Nous sommes entrés dans la 4ème année de guerre. Les mouvements de population sont incessants, soit vers l’exil soit en cherchant ailleurs dans le pays des localités moins exposées aux bombardements.
En Pologne : de décembre 2024 à avril 2025, 152 personnes (42 femmes et 110 enfants) ont reçu de l’aide : nourriture 152, vêtements et chaussures 16, médicaments 1, produits d’hygiène 16 et soutien psychologique 40. Provenance des bénéficiaires : Odessa, Dnipro, Kherson, Kharkiv, Tchernigov, Zaprozhye, Sumi, Donetsk, Kiev, Marioupol et Louhansk.
Au Monténégro : de mars à mai de cette année 73 personnes (35 adultes et 38 enfants) ont été aidées. Provenance : Donetsk, Kyiv, Poltava, Dnipro, Zaporizhzhia, Kharkiv, Lugansk, Kherson, Marianka et Mariupol.
L’histoire de Marina et Dashenka (prénoms d’emprunt) : « Nous sommes une famille de Kharkiv, je suis une mère célibataire et j’ai un enfant handicapé de naissance, une fille de 8 ans. Au Monténégro, nous avons été sauvés de la guerre. Selon les recommandations des médecins, l’enfant a besoin d’un climat chaud pour éviter les exacerbations de pneumonie et de bronchite.
La fillette présente de nombreuses malformations congénitales, soupçonnées d’être des syndromes de Nunon et d’Alajil. Presque tous les organes internes sont irréversiblement affectés et fonctionnent mal : cœur, reins, foie, pancréas et glande thyroïde, intestins, dysfonctionnement mitochondrial, lésions du tissu conjonctif, dilatation de l’artère pulmonaire. La jeune fille a besoin d’une surveillance médicale constante et de médicaments. Nous sommes constamment allongés avec elle dans les hôpitaux d’Ukraine et du Monténégro, nous avons été deux fois en soins intensifs lorsque sa vie ne tenait qu’à un fil.
Du fond du cœur, je voudrais remercier le personnel de l’organisation pour l’aide qu’il nous a apportée, à moi et à l’enfant – cela représente beaucoup pour nous. L’enfant a reçu des denrées alimentaires et un jouet. En outre, l’aspect psychologique joue un rôle important dans cette aide, le sentiment qu’il y a des gens qui se soucient de la douleur des autres, qui aident les familles dans une situation difficile. C’est particulièrement important lorsqu’il n’y a personne d’autre pour aider, et que chaque jour est un combat pour la vie d’un enfant. »
Instruction de crimes de guerre commis par la puissance occupante : missive de notre ami et partenaire l’avocat Gennady Gerasimenko : « Dans le cadre des crimes internationaux combattus par Vivere, de grands succès ont été enregistrés. Nous avons enfin terminé le procès de l’affaire criminelle de D…. d’Izyum. Tous les accusés ont été condamnés à 12 ans de prison pour les crimes commis. Le traitement de l’affaire judiciaire de R… S… est également terminé. Les accusés ont été condamnés à 10 ans de prison. ». En l’occurrence, les condamnés sont des militaires Russes capturés par l’armée Ukrainienne et qui ont pu être jugés pour des crimes qu’ils avaient commis contre la population civile locale.
Gennady vient de nous soumettre une nouvelle affaire : « Cher Mike, je vous informe également des faits de l’affaire pénale de la victime Oleg V…., , un ami de D…, que vous avez rencontré à Izyum.
Oleg V., 21 ans, résident de la ville d’Izyum, pendant l’occupation de la ville, en mars 2022, a été arrêté dans la rue par les militaires de la RPD-LP, agissant en tant que partie de l’armée russe.
Il a été emmené à la base de ces militaires dans une école locale, où il a été déshabillé et soumis à des coups, des tortures et des abus. Il a été menacé de mort, on lui a tiré plusieurs fois sur la tête, on l’a frappé avec un bâton en bois, on l’a laissé dormir nu par des nuits froides sur un sol recouvert de matériaux de construction épineux, de sorte qu’il était impossible de dormir. Ils ne lui ont donné ni eau ni nourriture pendant plus de trois jours.
Ensuite, ils l’ont soumis à des abus sexuels.
Ensuite, pendant un mois, ils l’ont forcé à effectuer diverses tâches ménagères, tout en continuant à le maltraiter et à le battre.
Un mois plus tard, profitant du fait qu’à un moment donné il n’y avait plus de garde à côté de lui, Oleg s’est échappé de la captivité.
Actuellement, il est plaignant dans une affaire pénale pour crime de guerre en tant que victime de torture et de violence sexuelle, et a besoin de mon aide en tant qu’avocat. Il souhaite déposer une plainte auprès de la CPI. »
À ce jour nous soutenons l’instruction de 19 crimes de guerre dont les survivants ont su puiser l’énergie de porter plaine en justice. Notre action vise à ce que chacune de ces affaires soit introduite auprès du Procureur de la Cour Pénale Internationale de La Haye.
Mission sur place au cours de ce mois de juin
Comme chaque année depuis 2005, y compris durant les années de guerre, l’un des nôtres a parcouru l’Ukraine pour y retrouver nos partenaires locaux, l’association Avenir à Zhytomyr et l’avocat Gennady Gerasimenko à Kharkiv, en passant par Kiev et Odessa. Ces voyages de travail servent plusieurs buts : échanger avec des victimes bénéficiaires de l’aide mise en œuvre, avec visite à domicile chaque fois que possible ; rencontrer des autorités locales concernées par notre action ; réviser le plan de travail avec le partenaire ainsi que les éléments comptables ; évaluer l’impact des activités ; mesurer l’évolution des risques comme des potentiels pour un meilleur cadrage du travail. Alors que beaucoup de localités se dépeuplent, les gens fuyant tous azimuts, nos partenaires font preuve d’un courage singulier en restant sur place et en adaptant du mieux possible la prise en charge des victimes. Aussi méritent-ils d’être soutenus et encouragés par notre présence à leurs côtés, ne fût-ce que durant quelques jours. Tant dans les dits que dans leurs écrits ils expriment leur reconnaissance pour cette proximité physique.
2° Syrie
C’est assez bien documenté par les médias : la situation Syrienne reste instable, parcourue de violences massives, dans l’incertitude quant à l’avenir immédiat aux plans humanitaire, sécuritaire, économique et politique. Les règlements de compte sanglants, visant notamment la communauté alaouite, les bombardements Israéliens, la question Kurde, la vague de sécheresse, autant de facteurs faisant que l’après Bachar laisse la population dans une ère de souffrances et de doutes.
Voici le constat que nous faisons sur les finances de notre action de complément nutritionnel aux nouveau-nés des foyers les plus démunis de Homs et sa région. Par un mécanisme dont les ressorts nous échappent, la livre syrienne (SYP) ne cesse depuis mars dernier d’enchérir, sa valeur en US $ (comme en CHF) devenant de plus en plus forte. Ce soudain bouleversement dans le taux de change pénalise notre projet : pour rester au niveau de 45 bébés aidés mensuellement le coût est passé à US $1’200/mois, soit une augmentation de plus de 60% des dépenses depuis fin 2024 – début 2025. Nous cherchons maintenant à savoir quelle serait l’inflation touchant localement les produits de première nécessité, si elle est ou non en proportion avec l’évolution du taux de change. Vu la réserve qui nous reste aujourd’hui en caisse à Lausanne, il est incertain qu’on puisse maintenir le niveau d’aide actuel (en nombre d’enfants et/ou en valeur d’aide par enfant) jusqu’à la fin de cette année.
Le soutien concerne à présent 45 enfants par mois, de la naissance à 6 mois d’âge. Au cours des cinq derniers mois 127 nourrissons étaient en continuation de l’appui, et s’y sont ajoutés 99 nouveau-nés dont 40 jumeaux. Cet effectif est pleinement dans la cible.
Le logement reste un problème crucial pour la presque totalité des familles concernées par ce soutien. Près de la la moitié d’entre elles est émigrée et, par exemple selon les résultats du mois de mai, seulement une famille sur dix vit dans son propre logement (moyennant réparations sommaires), la majorité loge dans la famille élargie ou loue un espace minimal souvent dépouillé.
3° Pakistan
Nouveau partenariat avec le groupe Khawajasira Panahgah, le premier centre d’accueil pour la protection de personnes transgenre au Pakistan.
Fin 2023 – début 2024 nous avions pris, avec l’un de nos braves avocats, la défense de Sonia D…, personne transgenre accusée de blasphème, aussitôt incarcérée, et risquant la peine de mort. Grâce à la mise en évidence de la fausseté de l’accusation et donc de l’innocence de Sonia, au terme des audiences le tribunal a fini par lui accorder l’acquittement et la libération immédiate.
Protectrice de la communauté des personnes transgenre, Sonia a conçu avec les moyens du bord le premier abri de protection de ce type pour ses compatriotes ayant opté pour le même choix de vie. Lors de son voyage sur place en avril dernier, Mike a été invité a rencontrer la dixaine de personnes transgenre pensionnaires de Khawajasira Panahgah. Voici les notes tirées de son carnet :
Dimanche 13 avril
- Khawajasira Panahgah
- Fondé et géré par Sonia D…. Actuellement la capacité d’hébergement est saturée avec 9 personnes transgenre, dont deux enfants ‘bisexués’ d’environ 12 ans abandonnés par leurs parents (une fille et un garçon). Maison extrêmement modeste, quasi clandestine, dans un quartier défavorisé de Lahore. Long échange très ouvert sur tous sujets avec l’ensemble des résidentes, apparemment très unies et solidaires entre elles, comme peuvent l’être les minorités marginalisées-opprimées affrontant au quotidien l’hostilité, le mépris, la malveillance voire l’agressivité du plus grand nombre.
- Les facteurs d’oppression : discrimination à tout propos, école, accès à l’emploi, accès à la mosquée. État civil : la seule concession faite par l’administration est d’indiquer sur leurs pièces d’identité « Genre : X », ce qui est très stigmatisant pour toute démarche, tout enregistrement, tout accès à une occupation ou à un service ordinaires.
- Beaucoup d’adultes transgenre n’ont d’autre choix que de recourir à la prostitution, activité dans laquelle elles sont souvent bafouées, molestées, violentées.
- La plupart des personnes transgenre sont chassées du domicile familial. De manière épisodique elles gardent plus ou moins contact avec leurs parents mais ne sont plus admises à vivre sous le même toit.
- Déconsidéré par l’administration provinciale, Khawajasira Panahgah n’a pas encore pu obtenir le statut légal d’association. Le centre travaille donc dans une zone grise : toléré, mais inofficiel donc de survie fragile.
- Ressources : aléatoires, précaires. Khawajasira Panahgah assure tous les frais de vie de ses pensionnaires qui sont financièrement indigentes : logement, nourriture, soins médicaux, etc. Le centre rémunère chichement une personne transgenre qui assure l’alphabétisation des résidents, et un homme gardien pour protéger le groupe d’agressions extérieures. Le budget total nécessaire est de PKR 200’000/mois ( CHF 627), dont 30’000 de loyer mensuel (CHF 94).
- Les deux jeunes enfants sont scolarisés en primaire. Une seule grande de 16 ans, Aumol, fréquente une école professionnelle dont le coût est de PKR 10’000/mois (CHF 31,37) ; ces frais sont assurés par le budget ci-dessus.
Considérant à la fois l’extrême bravoure de cette initiative, l’oppression dangereuse subie par les personnes transgenre dans un contexte où les religieux radicaux imposent violemment leur loi et leur intolérance sur la société civile, considérant aussi la fragilité du dispositif de Khawajasira Panahgah, en mai le Comité de Vivere a décidé d’appuyer l’abri avec un montant annuel de CHF 1’694 (euros 1’797) principalement pour le loyer.
Animation pour des enfants détenus en prison.
Depuis le début de notre travail au Pakistan en 2016 nous n’avons eu de cesse de constituer la défense légale de mineurs incarcérés parmi ceux qui font l’objet d’accusations pour délit grave risquant d’entraîner la condamnation à la peine de mort ou l’emprisonnement à vie. Ce travail nous a récemment conduit à échanger avec l’ass. Juvenile Justice Advocates International https://www.jjadvocates.org/ qui organisait une sorte de concours de dessins pour et par des enfants détenus à travers le monde.
Nous avons alors encouragé notre partenaires du Penjab d’y associer des enfants dans l’une des rares prisons qui nous autorise l’accès.
Le thème du concours était : « Quand tu seras libéré, quel est ton rêve préféré ? » Voici quelques-unes des peintures réalisés par des détenus de 9 à 14 ans d’âge, avec la légende traduite selon l’expression du jeune :
Chères et chers Membres et Amis, nous renouvelons notre reconnaissance pour votre intérêt envers le travail de Vivere, pour votre confiance qui nous est tellement importante, et votre vigilance sur les alertes – pas seulement les nôtres – qui cadencent l’actualité !
Le comité de Vivere